En ouverture, photo de Pierre Genicot devant sa librairie (Nicolas Van Brande).
Quand le rêve d’un père fait aussi le bonheur de sa fille!
« Je suis tombée dedans quand j’étais petite, Papa était là avant moi. C’est une entreprise familiale. » (Fanny Genicot à Saïd, BRUZZ, été 2023)
TÉMOIGNAGE
Pierre & Arlette
Pierre est docteur en droit de l’UCL (master) et (son épouse) Arlette est romaniste de la même université, elle a également obtenu son agrégation. L’installation de la librairie dans la Galerie Bortier date de 1991, c’était le rêve de Pierre depuis la fin de ses études. Il a saisi l’occasion suite à une petite annonce un brin mystérieuse dans LE SOIR alors qu’il était encore courtier en assurances.
C’était une librairie qui se voulait généraliste, mêlant des livres anciens et modernes et agrandissant les locaux et le choix des livres au fur et à mesure du temps. La Galerie permettait de trouver des éditions anciennes, parfois rares et précieuses, et offrait aussi un grand choix de livres récents à prix réduits, attirant ainsi les étudiants. On y trouvait le plaisir de changer les lecteurs, la possibilité d’en apprendre toujours davantage. La surprise des belles découvertes d’éditions anciennes, le partage des beautés littéraires, des souvenirs historiques et culturels. La rencontre avec des journalistes, écrivains, étudiants et professeurs passionnés. La rencontre avec des gens venus de partout, tous les continents se rencontrent dans la galerie… Nous avions fondé une ASBL pour créer ensemble des évènements dont plusieurs expositions sur l’histoire du quartier, sur Magritte et ses affiches, des petits concerts de fin d’année… Depuis plus de cent ans la Galerie a accueilli des libraires !

Les sources (de nos livres) sont souvent les clients et leurs relations qui vendent leurs collections. Le bouche à oreille joue énormément dans le milieu. Le public de vieux lecteurs diminue suite au travaux dans le centre et les difficultés de stationnement ont provoqué une diminution des clients provinciaux. Mais depuis les travaux et le développement d’Internet, on remarque d’autant plus l’appétit pour l’atmosphère feutrée de la librairie… Le papier plaît toujours !
Durant les années nonante, la Ville (Régie foncière de la Ville de Bruxelles, sous la tutelle du Collège des Bourgmestre et Échevins) manifestait son soutien pour chaque initiative prise. Après l’an 2000 et le départ du concierge, toujours présent auparavant, nous avons dû déplorer le désintérêt des autorités vis-à-vis des propositions des libraires, ainsi qu’un manque d’investissement lors des festivités de fin d’année.
Fanny s’est toujours intéressée au livre et venait nous prêter main forte lorsqu’elle était étudiante. Le virus a dû la toucher.
Fanny
De la Galerie Bortier, je n’ai qu’un vague souvenir d’enfance. Il y régnait une drôle d’ambiance feutrée, d’un lieu différent, un peu mystérieux, avec beaucoup d’affiches et ces bacs qui étaient trop haut pour moi! A l’adolescence j’ai découvert un lieu convivial et cependant assez intimidant, Monsieur Dufrenne affichant une véritable condescendance et insistant beaucoup sur la longévité de sa présence dans la Galerie. Étant très proche de mon père, je suis venue visiter la librairie avant la reprise effective et ai suivi les tout débuts. Je venais aussi ranger, nettoyer ou participer aux achats à domicile pour aider aux transports des livres.
J’ai une licence en Histoire de l’Art et Archéologie préhistorique ainsi qu’un master en Gestion culturelle, les deux à l’ULB. Je m’imaginais devenir guide ou hôtesse d’accueil pour des événements et rencontres culturelles ou diplomatiques… En fait j’ai toujours voulu faire comme papa!
Pour la partie Exposition (le local N°7), je n’ai pas vraiment de souvenirs hormis des expos organisées par l’asbl Galerie Bortier, qui s’est constituée sur l’idée d’Arlette Genicot-Vanhoeymissen (ma mère) afin d’organiser des évènements culturels (expositions ) surtout dans le but de faire connaître et, déjà, dynamiser la Galerie. Pour le reste c’était plutôt chacun pour soi. Tous les espaces commerciaux étaient occupés.
Côté rue Saint-Jean il y avait une librairie spécialisée en littérature belge et française : La Proue, dont le propriétaire est décédé et où il y a eu reprise de la librairie dans l’esprit du prédécesseur, ensuite cette librairie a déménagé à Namur. En face se trouvait un café remplacé ensuite par un service traiteur pour événements. Dans le passage se trouvait une Galerie d’art contemporain (où j’ai travaillé durant mes études) et qui sera remplacée, entre 2001 et 2009, par la librairie Dominique Basteyns.
Ensuite une librairie lesbienne qui vendait beaucoup de cartes postales et de posters. Des conférences y étaient organisées à l’époque, les propriétaires ayant formé une asbl pour la défense des homosexuelles. Après leur départ, une librairie « La Cigogne » verra le jour pour trois ans environ (vente d’une bibliothèque héritée), remplacée par Pierre Coumans toujours présent. Venait ensuite la librairie Genicot qui succédait à un libraire qui vendait essentiellement de la littérature familiale. Schwilden spécialisé en photo et présent depuis une vingtaine d’années. Enfin la librairie Vanderelst plus généraliste tenue par le couple Dufrenne et dont Monsieur était un ancien employé.
Ces dernières années, les cellules commerciales ne se remplissaient plus, l’asbl fondée dans les années 90 était enterrée depuis longtemps. La Crypte Tonique s’est installée ainsi que Des livres et Vous, apportant un souffle nouveau à la Galerie. Schwilden et Dufrenne restaient inébranlables.
A la libraire, je rassemble les livres que je voudrais lire, qui me semblent intéressants, beaux, dignes d’être sauvés, préservés et passés à d’autres lecteurs. Je n’ai pas une véritable autre approche (que celle de mon père) travaillant plutôt dans la continuité. Il y a juste les rapports avec les salles de vente qui ont évolué, en effet, à l’époque les salles accueillaient des lots de moindres valeurs, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui, et on pouvait liquider les stocks plus facilement.
« C’est plus le texte que l’objet – en vérité – qui m’intéresse… »
Fanny à Saïd, BRUZZ, été 2023.
Ce que j’aime, ce sont les échanges avec les clients et les fournisseurs, la joie des ceux qui ont trouvé ce qu’ils cherchaient depuis longtemps. J’y trouve aussi l’indépendance et, jusqu’à aujourd’hui, ce lieu préservé du brouhaha me convenait parfaitement.
Je n’ai jamais eu à ma plaindre de la régie foncière qui m’envoie des intervenants si nécessaire. J’ai juste dû constater leur incapacité à appréhender la spécificité du lieu, de ce passage dédié aux libraires depuis plus d’un siècle. J’ai quelques craintes plus que de l’enthousiasme face aux nouveaux projet, je crains surtout les odeurs et le bruit, la différence d’ambiance.
« Pour moi, la Galerie c’est vraiment une deuxième maison.
Et c’est vrai qu’elle est magnifique! ».
Fanny à Saïd, BRUZZ, été 2023
Ouvrage offert par Fanny Genicot à Nicolas Van Cutsem, de la librairie Des livres et vous.
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